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Toi Mon Endo

Publié le 7 novembre 2023

L’endométriose touche 10 % des femmes en âge de procréer. Leurs vies sociale et professionnelle sont lourdement impactées par cette maladie gynécologique incurable. Et pourtant, les pouvoirs publics tardent à s’emparer du problème et aucune action concrète ne se dessine à l’horizon. D’où l’engagement de Laura Lequeu, présidente de l’ASBL Toi Mon Endo.

 

Rencontre avec Laura.

 

DTM : Quand est née l’association Toi Mon Endo et dans quel but?

LL : « Toi Mon Endo a été créée en juillet 2020 dans le but d’aider les femmes qui, comme moi, se sont retrouvées bien démunies et dans une errance quasi-totale face à l’endométriose. Je souffre personnellement de symptômes depuis mes 12 ans. Et quand le diagnostic est tombé, j’ai vraiment eu l’impression d’être seule au monde ! Personne ne connaissait cette pathologie, tout le monde me regardait bizarrement, si bien que …  je n’osais même pas en parler. Il était vraiment difficile de trouver de l’information sur Internet et les réseaux sociaux. Il n’y avait pratiquement rien en Belgique et je me suis dit qu’il fallait agir car ce sentiment de solitude et d’exclusion sociale était horrible à vivre. Quand j’ai eu mon bac de Sciences politiques en poche, je me suis dit qu’il fallait que je me lance en mettant des choses en place. Il m’était insupportable de penser que rien n’était fait sur le plan humain pour accompagner celles qui, comme moi, risquaient de vivre ce sentiment d’injustice et de solitude profonde. Alors je me suis lancée en me disant que si ça prenait, c’était super et si ça ne donnait rien, au moins j’aurais essayé… Mon premier souhait était d’informer au plus tôt dans les écoles. Je me suis dit que si j’avais su à l’adolescence, cela aurait sans doute tout changé pour moi. J’aurais connu moins d’errance, j’aurais pu bénéficier d’un diagnostic plus rapidement et d’une prise en charge adéquate bien plus tôt. Bien sûr, j’ai très vite été confrontée au système des appels à projets et des subsides. Et heureusement, j’ai reçu un premier subside pour un an en août 2020 et mes parents m’ont aidé, en acceptant que je reste à la maison pendant un an, le temps de me lancer en tant que bénévole. Petit à petit, je suis entrée dans une, puis deux, puis 3 écoles … ce qui m’a permis d’appuyer mon argumentaire pour obtenir d’autres subsides, d’aller plus loin et de me faire connaître. J’ai aussi beaucoup misé sur les réseaux sociaux et j’ai créé une vraie communauté. Comme il n’existait rien, j’ai sans doute apporté un peu d’espoir à d’autres femmes et tout est parti de là. J’ai bénéficié de beaucoup de soutiens (pas financiers cependant), de partages et d’engagements. Plus concrètement pour répondre à votre question, mon but premier était de sensibiliser et ensuite de rassembler. »

 

DTM : Est-ce si simple d’améliorer l’éducation et l’information des femmes et des professionnels de santé au sujet de l’endométriose ?

LL : « Nous avons commencé dans les écoles, ensuite dans les mouvements de jeunesse et les maisons de jeunes et maintenant, nous visons les milieux étudiants (universitaires et les hautes écoles) à un rythme moins soutenu, cependant, car nous n’avons plus de subsides pour le moment. Par contre, l’an dernier, grâce à un subside, nous avons pu concrétiser un projet contre les violences gynécologiques dans le cadre du parcours du diagnostic de l’endométriose. Il faut savoir que ce parcours est particulièrement long et jonché de multiples rencontres avec différents médecins : des gynécologues, des gastro-entérologues, des urologues, etc… Ce qui amène de nombreuses femmes à vivre des violences – physiques et morales – sans forcément qu’elles s’en rendent compte. Nous avons donc répondu à un appel à projet et proposé de réaliser une brochure à destination des professionnels de la santé et des patientes.  Ce projet est aujourd’hui abouti et il  va être lancé le 30 novembre prochain. J’en suis particulièrement fière et heureuse. Il s’agit d’une brochure qui va redonner le pouvoir aux patientes et informer les médecins sur l’endométriose et son diagnostic. Cette brochure est articulée en différents volets : un est consacré aux droits des patientes, un autre est dédié à l’endométriose et l’intérieur de la brochure, et c’est sans doute une première en Europe, propose un arbre décisionnel qui démarre par la question suivante : Avez-vous déjà eu des rapports sexuels avec pénétration vaginale ? Cela peut paraître hyper intrusif, mais c’est clé en fait. Suivant la réponse donnée, on est amenée à suivre un cheminement qui explique suivant les symptômes ressentis, les examens auxquels on peut être confrontée et pourquoi ces examens sont pertinents. Cet outil permet donc de redonner le pouvoir aux patientes sur leur corps, afin de ne pas juste subir des examens médicaux. Nous avons réalisé cette brochure en collaboration avec le Collège Royal des Gynécologues de Belgique et la clinique de l’endométriose à l’H.U.B Erasme.  Elle va être envoyée dès le 1er décembre à tous les pharmaciens, les généralistes et les gynécologues francophones de Belgique. Ils pourront la distribuer et elle sera également disponible en téléchargement sur notre site. »

 

« Nous avons construit cette brochure pour créer une relation d’équipe entre patientes et médecins »

 

DTM : Pourquoi les pharmaciens ?

LL : « Il nous semble particulièrement pertinent de sensibiliser les pharmaciens car les filles et les femmes qui souffrent d’endométriose achètent souvent des antidouleurs, des antispasmodiques et des inflammatoires. Ils sont donc idéalement placés pour interroger, conseiller et orienter les filles et les femmes vers une consultation appropriée, car cela n’est pas normal de revenir aussi régulièrement en pharmacie avec ce type de symptômes !»

 

DTM : Qu’attendez-vous de la Belgique ? (gouvernement, professionnels de santé, société)

LL : « La question est complexe ! Aujourd’hui j’ai l’impression qu’au niveau politique et gouvernemental il y a beaucoup de blablas mais peu d’actes concrets. Je vous invite d’ailleurs à lire ou relire la carte blanche qui été publiée en mars dernier dans le quotidien Le Soir https://www.lesoir.be/516832/article/2023-06-01/endometriose-les-pouvoirs-publics-sont-ils-reellement-engages-pour-la-cause-ou. Depuis trois ans et demi, je constate que toutes mes sollicitations de rencontre avec le Ministre de la santé restent lettre morte. Je ne veux pas me décourager, mais je m’interroge. D’un côté il y a 200.000 femmes auxquelles on ne propose pratiquement rien depuis des années, de l’autre pour les 10.000 hommes touchés chaque année par le cancer de la prostate, on a mis en place un dépistage remboursé, des protocoles de recherche et ces patients bénéficient d’un éventail de traitements adaptés. Pourquoi cette différence de considération ? Faudrait-il davantage de femmes en politique pour soutenir la cause ? Des professionnels de santé mieux formés et informés pourraient-ils peser dans la balance pour changer la donne ? Une société et des femmes mieux sensibilisées aux symptômes et à l’importance d’un diagnostic et d’une prise en charge précoce peuvent-elles accélérer le mouvement  Toutes ces questions sont sur la table en fait … »

 

DTM : Quel est votre plus grand défi pour le futur?

LL : « Trouver des fonds pour poursuivre nos activités. A ce propos, j’ai vraiment envie de créer un événement spécifique à l’instar de ce que font d’autres associations en faveur du cancer du sein ou de pathologies chroniques. Et fédérer un maximum de personnes en élargissant la communauté pour faire avancer la cause. »

 

« Aujourd’hui il faut en moyenne 7 ans chez une adulte et 12 ans chez une adolescente avant qu’un diagnostic d’endométriose ne soit posé et conduise à une prise en charge adaptée. »

 

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